Extras
« Les figurants, ou silhouettes muettes, peuvent être considérées comme des éléments vivants du décor. Dans les films à caractère historique, c’est d’ailleurs grâce à la combinaison des véhicules de jeu et des figurants costumés que l’on parvient très vite à reconstituer une époque. Vêtus de costumes passés, futuristes ou contemporains, les figurants participent, au même titre que les objets, à la définition de l’action dans le temps et l’espace, à la construction d’un espace de signes permettant au spectateur de se repérer facilement, et notamment lorsqu’il s’agit de faire passer un lieu pour un autre. Là encore, il s’agit d’adapter les profils de la population aux traits sociologiques des lieux que l’on souhaite mettre en scène, avant que les costumes finissent de le caractériser. Le costume compte souvent autant, voire plus, que celui qui le porte, au point que l’un des critères pour être retenu est parfois d’avoir la taille appropriée aux costumes disponibles. » (1)
Constituant souvent la seule couleur locale à l’écran, ils sont autrement mannequins, comédiens, étudiants, retraités, avocats, mécaniciens, et deviennent d’un jour à l’autre sirènes, pères Noël, hippies, paparazzi, flics ou prisonniers, pour l’expérience ou le cachet. Et dans la vraie vie, ils sont quelquefois reconnus dans la rue par les touristes qui se souviennent de leur visage sur des panneaux publicitaires de taille démesurée, les intégrant ainsi à la culture populaire d’un pays qu’ils ne visiteront sûrement jamais.
Photographier les figurants à l’orée du plateau, en costume mais sans mises en scène, dans des moments d’attente entre les prises, c’est aussi essayer de donner un autre visage aux systèmes fictionnels qu’ils incarnent. Postures et regards laissent transparaître fragilité et pudeur, loin du formatage de leur fonction première. Comme une revanche de l’individu sur l’industrie.
(1) : Planter le décor. Une sociologie des tournages. Par Gwenaële Rot, 2019, Presses de Sciences Po.