Son of a Glitch
A la confluence de la photographie, des arts numériques et de l’installation, le projet Son of a Glitch est une recherche sur notre rapport à l’image et au support qui l’incarne le mieux dans notre monde actuel, l’écran. Pour ce projet au long court né en 2021, des téléviseurs détériorés et destinés à être recyclés sont sélectionnés puis réemployés. Mis sous tension, ils produisent des jeux de lumière et de pixels issus d’aléas technologiques exploités tels quels, ou proposent des versions transfigurées de photographies existantes et donc revisitées.
La dimension incontrôlable des menus de réglages offre aux images altérées de nouvelles matières qui, une fois imprimées en très grand format, trouvent leur pleine densité. Le pixel maltraité, artificiellement démultiplié, gonflé, rappelle des techniques anciennes telles que la cote de maille, la tapisserie ou la broderie et vient faire un lien entre pixel, point et trame, techniques ancestrales et esthétiques numériques. La question de l’adaptation et de la ré-interprétation d’une image, à l’instar du cadavre exquis, est prolongée par l’utilisation d’un logiciel permettant d’accroitre la résolution d’une image, les algorithmes scannant la photographie d’écran pour en proposer une version encore transformée.
De ces allers-retours d’un support à l’autre, il est question du caractère malléable des images, de détournement et de mutation. Cette mutation aboutie naturellement à la « non-image » que sont les stigmates de chocs et défauts qui apparaissent sur la surface de l’écran LCD rétro-éclairé, c’est à dire le téléviseur mis sous tension mais qui ne diffuse plus de contenu visuel. En photographiant ces glitchs, grésillements, tâches et poussières de quartz, ou en les présentant en installation, il s’agit de célébrer une beauté sans auteur tout en se jouant de possibles paréidolies. Ironie, illusion, usurpation, l’objet rebut, détritus repêché de nos poubelles se voit révélé sous un jour nouveau, où rendu à une seconde vie il est célébré encore, que ce soit pour la beauté du graphisme que sa surface brisée et rétroéclairée propose (Synaptique, Mobilux…), ou pour les possibilités plastiques qu’offre le grain de ses pixels gonflés jusqu’à l’excès (Celebration Street).
Créer des installations éphémères à partir d’une matière première susceptible d’arrêter de fonctionner à tout moment, c’est prendre le risque de la panne. Il se joue une célébration de l’erreur et de l’imprévisible qui s’inscrit dans la lignée du Glitch Art, mais aussi une approche réflexive qui prend pour matière première l’objet rebut et l’obsolescence programmée. Cette proposition peut être vue comme une tentative d’orchestration, la célébration d’une beauté sans auteur. Ici, les défauts de la machine, les stigmates de chutes ou de chocs en sont les créateurs primordiaux. C’est bien une mort lente qui s’offre sous nos yeux, une déliquescence poétisée. L’installation devient performance, puisque sa fragilité et son instabilité la font évoluer dans le temps.